Itinéraire de tournée : le Fog

IMG_3661C’est une histoire flou. Une sombre histoire, celles d’inconnus qui marchent dans le gris. Leur monde est fumé, leurs verres sont embués. Ils sont en lignes, se suivent, se mêlent, remplissent le moindre espace blanc. Là où le vide n’existe plus, l’absence est erreur, le silence est mensonge. Là où la vraie vie – elle – est en ville. Des nuages chargés sont devenus les maîtres des lieux. C’est une histoire qui a commencé quand on avait le dos tourné. Hors du temps, quand les hommes sont devenus invisibles.

IMG_4043Le ciel est bas et les tours se perdent dans l’irrespirable. Des lignes, des boites, des antennes, des temples en plastique, des cages de béton. Et marche et cour le bétail humain. Rangés par couleur dans ce monde gris. Porteurs de masques alvéolés, de vaporisateurs, d’écrans portatifs batteries intégrés. Les pas sont lourds, incertains, maladroits, presque enfantins. Avalés par le brouillard constant – le Fog – ce monstre impalpable, massif, suspendu. Ici enrichie de particules en suspensions, d’ozone, de dioxyde d’azote, de dioxyde de soufre, de monoxyde de carbone… L’air irresponsable. Le voile est baissé. Il campe sur les errants, sur ceux qui acceptent, acquiescent et suivent le flot.

La brume rend tout mou et surréaliste. Les gens nagent dans la sueur, les immeubles flottent et les voitures continuent d’alimenter en masse cette buée céleste et poussiéreuse. Rien ne lui échappe, elle dévore tout sur son passage. On ne voit plus ses frères, on ne voit plus ses voisins, on ne voit même plus le danger arriver. Elle mange jusqu’à la peur. La seule chose qui lui résiste encore est le son. Tout devient plus fort, les klaxons, les cris, les impacts de pare-choc… C’est un tintamarre, un concert étourdissant, une fugue confuse. On ne voit pas plus loin que le bout de son nez mais on entend le moindre murmure qui explose à l’autre bout de la ville.

Du trop plein né le brouillard. La masse inexorable expire. Ils se sont appropriés jusqu’à l’air, ont vendu le ciel pour dominer la terre. Finis les belles nuits étoilées, les journées de grand soleil, la grisaille naturelle, l’air sain. C’est cher payé pour être gouvernés par des dieux qui s’en mettent plein les poches et suivre leur propagande au sable doré. Que restera-t-il du vide quand ils auront fini de remplir tous les trous ? Quand ils auront remplacé tout l’air de la terre par leurs gaz à effet de serre? Quand le libre arbitre sera quelque chose qu’on nous dicte ? Quand même nos jardins secrets seront avalés par le brouillard…

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Fument, fument, les naseaux de Smog. De grands yeux avides contemplent les sujets aller et venir dans le crachin, des griffes enserrant leur destin. Des ailes de dragon obscurcissent le monde. Les ombres ne sont plus des projections. Les ombres sont ceux qui marchent et courent dans la purée grise. Même le temps ne suit plus son cours. Il s’allonge dans la bruine, se suspend avec elle et glisse mollement. Toujours vers l’avant mais en s’étirant de tout son long, il coule comme les montres de Dali. Les jours deviennent des mois, les mois deviennent des années et toujours il nous pousse au devant.

Je porte mon regard au loin pour chercher un horizon qui n’existe plus. Je marche à travers les brumes. Je respire leurs embruns et j’oublie. J’essaye d’oublier mais c’est le reste qui le fait. Je suis un absent de plus dans le monde nuage. Pas de phare dans ce brouillard. On s’y perd un point c’est tout. Et pourtant je cours, je cris, je sémaphore. Je m’agite. Je suis en nage. Tout m’avale. Je suis aspiré par la folie du trop plein. Ma tête bouillonne, je suis agoraphobe. Je me noie dans une vague d’humains, celle qui fonce droit dans le mur. Je brasse pourtant à contre-courant mais tout m’arrache. Je suis pétri en dedans comme en dehors, balancé de droite à gauche. C’est une valse tonitruante, qui détone mais qui endort, et qui remet dans le droit chemin les ahuris et les polymathes qui tentent de s’extirper du Fog.

Où va le monde, oui où va-t-il ? Ici plus personne ne pose la question.

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Itinéraire de tournée : on en a fait du chemin en Chine…

To wuhan

Pas loin de 10000 kilomètres, c’est ce qu’on a parcouru depuis le 17 juin, jour de notre arrivée en Chine. 10000 kilomètres en 2 mois. 10000 kilomètres de tournée, soit 17 villes, une trentaine de représentations, des milliers de spectateurs, beaucoup d’heures de montage, de démontage, de transports, d’attente, de promotions, de répétitions, de blessures, de modifications du spectacle, de fatigue… et on a pas encore fini, mais presque !

Même si tout n’est pas toujours évident de ce côté-ci, on tient le bon bout. On a maintenant tous très hâte de rentrer à la maison. On compte les jours. D’un autre côté, ce voyage nous a montré tellement de choses. Chaque journée était proche de l’incroyable. Je me sens tellement chargé de toutes ces aventures, de toutes les difficultés rencontrées, des doutes, des moments de bonheur, des découvertes, des rencontres, de la vie ici… Je pense qu’on a tous traversé quelque chose d’unique enrichis par le fait que nous l’ayons fait ensemble. Il nous faudra du temps pour le réaliser mais ces trois mois nous aurons indéniablement changé. Autant je vais être heureux de rentrer, autant je vais être triste de partir, comme si la page se tournait sur notre extraordinaire odyssée chinoise, comme si on laissait quelque chose d’important derrière nous. Il nous reste deux semaines pour profiter encore de ce qu’on ne vivra plus après, plus avant la prochaine aventure.

 C’est difficile de décrire tout ça avec des mots, pas évident non plus avec des images. On aura vécu le pire et le meilleur, aimé et détesté dans la même journée. La Chine regorge de surprises, elle m’a terrifié tout autant qu’elle m’a séduite. J’ai peur de sa surpopulation, j’ai peur du gaspillage exécrable, j’ai parfois peur de respirer, j’ai peur de l’aliénation qui règne ici… Et je sais pas si c’est parce que la plupart des adultes ont l’air tellement éteint mais les enfants rayonnent. J’aime leurs éclats et leur curiosité, j’aime quand des chinois s’ouvrent à nous et veulent autre chose que nous prendre en photo, j’aime leur courtoisie et leur générosité. Il reste que j’ai peur. Ça laisse un goût amer pour le monde. J’avais jamais pressenti, ressenti la surpopulation avant, je ne me doutais même pas l’expérimenter un jour. Aujourd’hui au contraire je sens son poids et j’entraperçois ses conséquences et ses dérives. Et j’ai peur. Mais je suis optimiste et j’espère, même si c’est pas tous les jours facile. J’espère et je reste attentif.

Pour terminer sur une note un peu plus joyeuse, ou pas forcément mais en tout cas d’un autre genre, voici une vidéo des artistes et techniciens dans leur besogne d’après spectacle :

Itinéraire de tournée : voyage en Mongolie intérieure

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Il y a une province dans le nord de la Chine qui s’appelle la Mongolie intérieure. Elle faisait anciennement partie de la Mongolie mais appartient aujourd’hui à la Chine. C’est dans ce territoire que nous étions quand nous avons joué dans la ville de Hohhot il y a quelques jours. Nous y avons passé trois jours. Nous avons profité de la première journée pour aller plus au nord, dans les grandes prairies. Malheureusement au premier abord, beaucoup d’entre nous étions déçus car nous sommes arrivés dans un lieu vraiment touristique avec beaucoup de chinois bruyants (alors que nous cherchions plutôt la tranquillité). Finalement, l’expérience fut vraiment géniale ! Une fois les touristes mis de côté, on a pu rencontrer les gens du coin. Et même si les yourtes dans lesquelles nous avons dormis n’étaient pas authentiques, ces gens là eux l’étaient. Des jeunes et moins jeunes qui ont toujours vécu là et qui font partis de ces rares chinois qui voient tous les soirs la Voie Lactée. Comme nous d’ailleurs qui avons passé notre première nuit sous un ciel étoilé, à contempler les astres à la recherche d’étoiles filantes.

Voici quelques images de la première partie de la journée :

Les deux jours suivant ont été dédiés au spectacle et entre chaque spectacle à passer du temps dans le même restaurent où nous attendait Henry, un chef adorable, attentionné et amical. Chaque matin, la table était dressée pour notre petit déjeuner et il allait acheter dans les commerces du coin de quoi combler nos petits caprices d’artistes et techniciens fatigués. Si vous passez à Hohhot, sans hésiter allez chez le Chef Henry !!

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Itinéraire de tournée : Grande Muraille de Chine = check !

Map to Zhengzhou

De Dalian, en passant par Shenyang (où nous avons fait et célébré notre 100ème), puis Pékin, pour finalement arriver hier à Zhengzhou dans la province du Henan.

À Shenyang, j’en avais profité pour filmer les techniciens pendant l’installation du spectacle. Ce fut une longue journée (6am à 8pm) et je pense ne pas les avoir trop gêné…

À Pékin, nous avons visité quelques parcs et temples, et surtout, nous sommes allés à la Grande Muraille de Chine ! Nous avons visité et rencontré des étudiants de l’école du cirque de Pékin. Nous avons également passé de très bons moments avec les artistes du spectacle Stomp, également en représentation dans la ville.

Fraichement arrivés à Zhengzhou, nous sommes allés visiter aujourd’hui LE temple Shaolin, ce qui fut à la fois une expérience déroutante et impressionnante !